14 mots de la langue française...

 

Quel est votre mot préféré ?

 

Tel est l'exercice auquel se sont prêtés bien volontiers 14 auteurs de langue française. Les réponses sont diverses et multiples, surprenantes mais aussi très éclairantes sur le sens de mots que l'on considère comme banals. Chaque écrivain enrichit encore davantage le contenu du mot par son vécu, son expérience de vie.

 

J'ai cherché à illustrer par le dessin la réponse de chaque auteur. Exercice ô combien difficile, tant il est vrai que certains concepts sont ardus à traduire par un dessin littéral et figuratif ! Mais c'est justement ce défi qui m'a plu et m'a incitée à le relever. Il est vrai que, pour moi, il n'y a rien de plus beau et d'inabouti que les ouvrages illustrés, alliant l'élégance du verbe et la force du trait.

 

Vous trouverez en accompagnement de chaque dessin, la réponse de l'écrivain. Français, soyez fiers de votre langue ! Elle est votre histoire commune, votre culture, votre identité.

 

JOUR

PAR JEAN-MARC PARISIS

Le mot que je m’évite de préférer tant il s’impose : jour. Impossible d’échapper au jour. Depuis l’enfnce le jour nous tente, nous promet. Un jour, je lui dirai qu’elle est belle. Un jour, j’irai là-bas. Un jour, j’écrirai un livre, je donnerai visage aux jours. Tous ces jours oubliés alors qu’ils nous embrassaient en nous réveillant. Retenir le jour. Il n’y a que les jours, la vie est une faute de frappe.

NATUREL

PAR CHRISTINE JORDIS

« Naturel », un mot d’une magnifique ambiguïté. Attirant dès l’abord : il s’oppose à l’affecté, au maniéré – au faux. Mais peut-on vraiment s’y fier ? Rien n’est moins sûr. Selon Blake, l’  « homme naturel », loin d’être bon, est « de toute manière un mal ». Il lui oppose l’ « homme véritable», qui se confond avec la poésie. Le naturel serait donc un état à surveiller de près pour peu qu’on lui préfère la poésie, qui est présence au vivant, état d’ouverture, dépassement du moi – lequel est fermeture.

EMBLÉE

PAR AMIN MAALOUF

C’est un mot désuet qui ne subsiste que dans la locution adverbiale « d’emblée ». je l’utilise aujourd’hui un peu moins qu’avant, sans doute parce que j’ai longtemps eu tendance à en abuser. Il était devenu quasiment un tic d’écriture, au point que je m’imposais d’en supprimer un certain nombre à la relecture. La locution « d’emblée » me semble fort utile, parce qu’en deux syllabes douces, elle résume une situation, une action, un raisonnement, un état d’esprit. « Emblée » a son origine dans un verbe de l’ancien français, « embler », issu du latin involare et qui signifiait « se précipiter ».

DÉSINVOLTE

PAR DENIS GROZDANOVITCH

Le mot désinvolte signifie la faculté – devenue si rare ) de prendre les choses graves à la légère. il désigne cette sorte de dandysme qui consiste à faire face à l’adversité, même la plus extrême, avec le panache et l’élégance désabusée de celui qui refuse de se laisser totalement impliquer par les circonstances – autrement dit, avec le courage insolent d’un esprit rêveur !

VERTIGE

PAR PHILIPPE FOREST

C’est un mot dont on m’a fait remarque que j’en fais souvent usage dans mes romans comme dans mes essais. Peut-être à cause de ce qu’en dit Kierkegaard. Ou bien Aragon. Rimbaud aussi : « Je fixais des vertiges ». Mon vieux dictionnaire m’apprend de ce mot qu’il vient du latin vertigo qui désigne une sorte de tournoiement. Il voisine avec d’autres mots comme « vide », « vertu » ou « vérité » qui, pour moi, en expriment le sens.

BROUSSE

PAR JEAN-LUC COATALEM

Rien, jamais, ne m’électrisa autant que le mot « brousse ». Quel continent touffu, palmé, entremêlé et forcément brûlant, se cachait derrière ce mot court, sifflant, doux et opaque ? Celui de l’aventure. Adolescent, vivant à Tananarive, il m’arrivait de croiser des « broussards » qui redescendaient plein sud… en brousse. Soit, pour moi, l’inconnu hypnotique des lianes, des épines et des feuilles.

PEUT-ÊTRE

PAR DAVID FOENKINOS

Le mot « peut-être », car il laisse en suspens la décision. C’est donc un mot qui porte en lui tous les possibles. Et cela se perçoit aussi visuellement : il est délimité par un trait que je vois comme la séparation entre le chemin du oui et le chemin du non.

EXISTENCE

PAR ETIENNE KLEIN

J’aime ce mot parce que sa dynamique le dépasse. Ek-sistere : il implique une sortie de soi, un saut hors de sa stationnarité ordinaire, pour aller à l’encontre du monde et à l’épreuve des choses. L’existence signifie donc davantage que la vie biologique. Elle est la vie en tant qu’elle intègre de façon progressive des expériences vécues. Elle est la vie pleine et entière, faite de curiosités, de sourires, de courage, d’angoisses, de mots, de gestes, d’idées. Exister, c’est toujours mieux qu’être.

PORTRAIT

PAR JEAN-MICHEL DELACOMPTÉE

Ni roman, ni essai, ni biographie, mais récit fondé sur l’art de peindre avec des mots. Lier l’écriture et le pittoresque, la plume et le pinceau, pour représenter la vie d’un être, rendre visible son âme. C’est poser un regard sur un homme, une femme, afin d’en extraire l’essentiel. Une manière de voir et faire voir, d’imaginer, de sentir, en inventant chaque fois une composition singulière, mise en œuvre par une langue, un style personnels. Littéralement, un art c’écrire.

SOURCE

PAR MAYLIS DE KERANGAL

J’aime bien le mot source : une syllabe unique qui enfle et se prolonge, une syllage unique et toute une gamme de vitesse. Source est un bruit. Elle est rapide, vive, jaillissante, mais encore lente, foreuse, profonde. Elle fait voir un tracé, un mouvement, une lumière. Elle est souple et rugueuse. Et c’est aussi ce lieu énigmatique, parfois insituable, qui désigne le commencement de tout.

JEU

PAR LAURENCE COSSÉ

Le maître mot en littérature ? (Car je ne peux préférer un mot aux autres, je les chéris tous). Le mot-clé, le mot alpha et oméga, c’est jeu. Jeu d’esprit, jeu de mots, libre jeu, jeu de dé, jeu d’orgue, jeu de fortune, jeu de l’amour et du hasard, jeu de prince, jeu d’épreuves, règle du jeu, jeu dangereux ; avoir du jeu, n’en plus avoir, se prendre au jeu, jouer gros jeu, mettre sa vie en jeu : écrire, quoi.

FONTAINE

PAR JEAN-PIERRE LEMAIRE

La première syllabe, sourde, évoque l’élan avec lequel l’eau « sourd », justement, de la profondeur obscure de la terre et du tuyau. Les dernières syllabes, claires, me font penser à son jaillissement transparent, adouci par la caresse de la finale féminine. En écho, j’entends aussi le nom de notre grand fabuliste et celui de la revue des poètes résistants, fondée à Alger par Max-Pol Fouchet.

PRÉSENCE

PAR DOMINIQUE NOGUEZ

Il y a un siècle,s auf par lettres, on ne connaissait que ceux qu’on rencontrait directement. Le téléphone a ajouté, de loin, une part de réalité vive. Aujourd’hui, tout le monde a, sur les réseaux sociaux, cent mille « amis » qu’il n’a jamais vus. Images, truchements, ersatz, pseudos. Le grand luxe, plus que jamais, c’est la présence. Réelle et directe. Jeu : quels personnages célèbres avez-vous directement vus dans votre vie ? Moi : Sartre (à cinq mètres), Paul VI (à trente mètres), Nasser (à cent mètres). J’y pense encore.

ARBRE

PAR CAROLE MARTINEZ

Sur le chemin, le mot tremble, il frissonne, si plein d’air, mais le A, long et puissant, qui l’ouvre, le A, en appui sur ses deux jambes, s’enracine dans ma gorge. Voilà qu’en marchant je le prononce encore et encore, et que déjà je le sens qui m’habite, me redresse, me pousse dans la tête. Je ne parviens pas à le dire sans lever le menton et regarder l’horizon, ce mot m’est un tuteur.

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